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Les conquêtes de l'homme

Réalisée du 12 octobre au 3 décembre 1954 par Hans Erni, la fresque, signée du 4 décembre 1954, occupe presque l'entier de la façade extérieure (27 m de long sur 7 m de haut) du bâtiment créé pour les expositions temporaires, soit une surface peinte de 166,5 m2. Typique des années cinquante et d’une idéologie du progrès qu’exprime son appellation: Les conquêtes de l’homme, cette peinture concrétise l’espoir en la technologie triomphante.
Il s’agit d’une vraie fresque exécutée par petites surfaces sur un crépissage frais. De 1982 à 1986, elle a été restaurée et transformée en keim (peintures minérales) par Marc Stähli, avec la collaboration de Hans Erni.

« Pour Erni, cette civilisation machiniste – en son stade idéal – libère les hommes d’une partie de leurs tâches matérielles. Et c’est cela qu’il exprime en superposition, par de prodigieux élans hors de la froide texture des machines: les jeux libres de l’athlétisme léger et de la danse, la maîtrise parfaite, technique, de son corps et les joies pures de l’art. »

« Le choix des sources peut se résumer en un inventaire très concis - presque une bibliographie, car Erni nous cite là ses auteurs – dont l’ordre correspond à une “lecture de la fresque” de gauche à droite: Asie, Egypte, Europe, Afrique, Amérique. »

« Les thèmes sont: Dieu, la Science et la Technique, avec ce commun dénominateur et cet unique responsable: l’homme. D’abord l’homme aux mains nues qui se mesure aux forces de la nature, puis l’homme à la recherche de son âme – cette période axiale, selon Jaspers, située entre 800 et 200 av. J.-C., avec Confucius et Lao-tsé en Chine, Bouddha aux Indes, Zarathoustra en Perse, les prophètes Elie, Jérémie, Esaïe en Palestine, Homère et Platon en Grèce; période de spiritualisation suivie d'une période spéculative: la recherche de son être en sa totalité, pour aboutir au siècle de l’atome qui oblige l’homme, assez désemparé, à regarder en face ses découvertes.

C’est le stade des massivités et cependant l’individu reste toujours un lutteur solitaire, de cet artiste – et chaman, thaumaturge peut-être – des grottes d’Altamira ou de Lascaux à ce savant, « le plus grand de tous les temps », physicien isolé, chercheur de bien avec une ardeur quasi mystique: Albert Einstein. Et il semble, à travers cette prodigieuse imagerie de la fresque, que l’homme parut toujours tout posséder en lui, à chaque étape, tout le passé et tout l’avenir, même s’il ne le savait pas.[...]

Ce tableau synthétique de l’histoire obéit à une discipline: de haut en bas, en manière de stratifications géologiques, les techniques évoluent du stade de la chasse primitive à celui des machines. De gauche à droite et par sections verticales [mais avec des interpénétrations], des continents se succèdent, Asie, Europe, Afrique, Amérique, obligent à des confrontations: la spiritualité de l’Inde, le matérialisme de l’Europe, la tradition de l’Afrique, le dynamisme des États-Unis, et à une rencontre: les moyens techniques, simples outils d’un mieux-être dans la vision du peintre, l’Art aussi. »

« L’ensemble de l’œuvre, cette longue et houleuse aventure humaine, est contemplé par Clio, muse de l’histoire [au-dessus de la fenêtre], avec angoisse et quelque scepticisme. Une ronde d’enfants: européens, chinois, africains, esquimaux nous offrent, en guise de conclusion, leur mépris des préjugés raciaux et leur confiance instinctive en demain. »

« Les sciences évoquées sont: la chimie, représentée par une installation de condensation. La biologie, tissus vivants et multiplication des cellules. La physique, représentée par une figure de cristallographie. »

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Texte composé d'extraits tirés de Les fresques de Hans Erni ou la part du peintre en ethnographie, Jean Gabus, Éditions de la Baconnière, 1955, p.22, 31 et 32.