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Vie quotidienne en Mauritanie

Une salle à l'intérieur de la villa, où se trouve aujourd'hui la cafétéria, comporte deux peintures murales de Hans Erni datant de 1954, totalisant quelque 30 m2 et représentant d'une part La vie sociale en Mauritanie et d'autre part L'artisanat.

Ainsi que le soulignait Jean Gabus, ces peintures murales sont le résultat d'une expérience sur le terrain. Elles constituent en outre une réponse à une question: comment, au musée, exprimer l'homme vivant à l'aide des seules dépouilles de sa vie matérielle ?

A fin novembre 1950, après un séjour d'un mois dans les principaux centres des techniques et des arts marocains, Jean Gabus retrouvait Hans Erni à Casablanca et partait aussitôt avec lui en avion pour Dakar, St-Louis du Sénégal, puis Boutilimit, minuscule chef-lieu du Trarza en Mauritanie, lui demandant de noter une foule de gestes de métier, d'attitudes, d'expressions, de créer une sorte de dessin animé des techniques.

Il devrait évoquer non seulement cette suite explicative du travail, mais encore tout ce qu'un atelier très sommaire de brousse exige d'ingéniosité, de positions techniques savamment calculées; souligner, par exemple, les orteils qui se font étau, l'abdomen ou les cuisses: planche de travail, la courbe du dos: levier; bref, parler de la valeur-outil du geste. Ces études ne négligeraient ni le milieu social, ni le cadre de la vie quotidienne qui donnent souvent tant d'explications, tant de grandeurs à des activités humbles afin de pouvoir recréer cette ambiance de vie au Musée.

Trois ans plus tard, en 1954, du 12 au 24 juillet, le peintre exécutait les fresques de la salle «Mauritanie» consacrées aux techniques fondamentales et à la vie sociale.

Pour le premier sujet sont présentés métiers à tisser à un rang de lisses, nattes en cours de fabrication avec la 

matière première (les deux nattières s'appelant Aïcha et Lâlia), outils du forgeron (Abou Bekrim): son burin pour graver une croix, ses marteaux, ses ciseaux, ses gouges, ses poinçons – mais aussi le Livre puisque «Chaque forgeron, disent les mâllem, possède deux outils fondamentaux: le Coran et puis son marteau» – et enfin les couleurs des cordonnières (dont l'une est sans doute Fatimathou) dans des coquillages, les poudres de verre multicolores des fabricantes de perles (Maryam mint Abdallahé et Mounina).

Quant à la vie sociale, elle appartient encore à une féodalité dont les trois grandes divisions apparaissent sur la fresque: les guerriers Hassanes (symbolisés par le cheikh Ahmed ould Aïcha), les Zwâya et les Lahma; les deuxièmes sont les marabouts qui se vouent à la vie spirituelle et à la science (symbolisés par un chef maraboutique du Trarza: Mohammeden ould Fall); les troisièmes englobent toute la classe des travailleurs – les Zenaga ou tributaires (symbolisés par Soulleïman, le petit berger), les Haratines ou affranchis (captifs libérés) (symbolisés par deux captives de tente, Mariä et Khdeïja mint Moïssa), les Abid ou esclaves, puis les forgerons et les griots.

Et Gabus de conclure: «Le point de départ fut très simple: prolongement de l'objet sur le mur, sa mise en place dans une portion de vie que l'art seul pouvait nous transmettre avec ses émotions et leur valeur d'échos. Mais parce que le peintre avait participé à la vie quotidienne des Maures, qu'il avait appris leurs gestes, leurs rires et leurs fatigues, il sut dépasser le stade sommaire de l'explication, réaliser une œuvre, exprimer "autre chose" avec toutes ses interrogations.»