Bulle, boule de cristal aux reflets changeants, la «Bubble» attire l'attention. Et l'effet de surprise profite à qui porte au poignet la montre surdimensionnée. Quel est cet objet de désir qui cache l'heure plus qu'il ne la donne? Qui a eu l'idée d'en faire un accessoire de science-fiction? Que promet la toquante unisexe lancée par la marque suisse Corum ?

Parure, la Bubble est aussi un outil, une arme, un objet de culte
Chez Corum, à La Chaux-de-Fonds (NE), l'optimisme semble de mise depuis l'invention, en l'an 2000, de la Bubble. Les ventes ont suivi. Un mythe est né. Dans la bouche des gens de l'entreprise et dans le monde de l'horlogerie, Bubble, c'est la bulle d'air salvatrice, vivifiante, surgie d'ailleurs pour éclaircir le ciel de Corum. Le nouveau patron de la marque, le samouraï Severin Wunderman, homme riche et inventif, l'a imaginée lui-même avant de la dessiner de ses mains. Et Wunderman créa la Bubble, lui donnant un nom «prononçable dans toutes les langues y compris le japonais». Toute en rondeurs, elle brille dans la galaxie des montres «moyen de gamme». Elle tient lieu d'étoile du berger aux gens de Corum.

Bubble, un bijou sans sexe
Parure, la Bubble plaît aux hommes et aux femmes. Elle se veut signature de réussite sociale, signe de distinction, prétexte à séduction. Elle véhicule un discours implicite de performance. Ce bijou à cadran classique se place au rang des «petites folies» pour managers, pour créatifs, pour wonderpeople. Bref, elle vient tenter les gens qui dépensent en beaux accessoires l'argent des vacances qu'ils n'ont jamais le temps de prendre. Unisexe, la Bubble vise un marché de célibataires dopés au succès, stimulés par la concurrence, luttant contre la solitude avec les ressorts de leurs horaires «surbookés». Ces personnages dynamiques prennent plaisir à signaler par la présence de leur Bubble qu'ils assument leur hypertrophie de l'ego. L'effet de loupe du cristal qui grossit chiffres, aiguilles et calendrier illustre bien ce goût du m'as-tu vu. La Bubble, miroir de Narcisse, supplément d'âme.

Outil chic, arme de choc
L'univers Bubble, c'est l'Espace. Cosmique, la montre affiche des potentialités imaginaires qui se déclinent à l'infini. Reste que, objectivement, la montre est des plus simples. Elle ne dissimule aucune complication dans son mécanisme. Et toujours, elle finit par donner l'heure au regard qui sonde son verre en demi sphère. Subjectivement, la Bubble peut se transformer en soucoupe volante. Ou alors en instrument de navigation spatiale qui assiste et protège, écran de compagnie allumé dans la nuit des voyages intergalactiques. Quel est le porteur idéal de la Bubble? Selon son créateur, c'est un extraterrestre, mâle ou femelle, originaire de Mars ou de Vénus. Moyen de communication et de protection, la Bubble est aussi taillée pour l'agression. Son verre ultrasolide et sa forme superbombée font de ce bijou de 200 grammes une arme blanche, un coup de poing efficace pour se défendre dans les parkings, les lifts et les halls que parcourt l'élite des gens qui en veulent.

Objet de culte
L'ambition de Corum est de faire de la Bubble un classique convoité par les collectionneurs. Symbole de renouveau, la montre produit déjà une mythologie liée à la figure charismatique de son concepteur qui est aussi le chef de l'entreprise et son principal propriétaire. Wunderkind de l'horlogerie, Severin Wunderman est un personnage que les employés que nous avons rencontrés admirent, avec ferveur. La montre que chacun d'eux a reçue dernièrement est une Bubble non commercialisée qui arbore les initiales S. W. , comme Swiss Watch, comme Severin Wunderman. Symbole d'une ère nouvelle, la Bubble occupe dans l'imaginaire du personnel de Corum la place d'un totem.

En conclusion, nous avons imaginé pour le stand Bubble de notre foire aux montres inaugurée le 16 mars 2001 un slogan qui pointe l'effet paradoxalement protecteur, séducteur, agressif et terriblement isolant de cet objet taillé à la mesure de consommateurs au pouvoir d'achat plus élevé que la moyenne: «Bubble te préserve du pire et même du meilleur».

[Florence Hügi et Ariane Racine]