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Un autre objectif

«On peut penser que, s'il était aussi à l'aise lorsqu'un objectif se braquait sur lui, c'est parce qu'il était lui-même un photographe amateur passionné qui, invité avec sa mère par Castro à participer au tournoi de pêche au gros "Ernest-Hemingway", préférait ses objectifs aux espadons et aux moulinets. Aujourd'hui, on aimerait bien voir ce qu'il avait photographié. Il paraît que les négatifs existent. Ils révèleraient peut-être, comme certains poèmes d'amour qu'il déclamait et qui ont été enregistrés, un portrait du Che qui dépasserait celui dont la photographie a fait une icône, une simple icône.»  (Christian Caujolle. Libération, 4-5 octobre 1997)


«Aujourd'hui, à l'heure de l'examen du mythe, il est dit que le Che adorait être photographié. Ne connaissait-il pas bien le medium? N'avait-il pas été photographe de rue durant ses études de médecine en Argentine, ne préférait-il pas ses objectifs aux hameçons lors des tournois de pêche au gros organisés par le Lider maximo? Luc Chessex a un avis différent: "En réalité, Che n'aimait pas être photographié. Il avait un rapport pénible, difficile à son image. L'homme était réservé, plutôt timide, le contraire d'un tombeur sûr de sa beauté. Il était à l'opposé du caractère tropical de Castro. Des deux, c'était Fidel qui montrait de l'intérêt pour la photo, qui m'interrogeait sur mes nouveaux boîtiers, quitte à se lancer dans un cours d'économie comparée en célébrant mon appareil suisse Alpa, réalisé à la perfection par un tout petit pays, au nez et à la barbe des grandes puissances impérialistes."» (Luc Debraine. Le Nouveau Quotidien, 6 octobre 1997)


Les deux citations qui précèdent sont parfaitement incompatibles mais sont sans doute aussi acceptables l'une que l'autre. Il en va toujours ainsi des images et de leur interprétation: c'est essentiellement celui qui les regarde qui leur donne du sens, selon ses connaissances et ses a priori. Ainsi, l'image de Che Guevara saisie par Alberto Korda ne livrera-t-elle jamais rien qui ne soit pas irrigué par le regard de celui qui la fixe. Ainsi cet instantané, démultiplié par les innombrables métamorphoses qui en ont été proposées, continuera-t-il de renvoyer à d'autres images, plus simples, plus complexes, plus mentales, plus matérielles ou simplement plus personnelles. Dans ce sens, renverser la perspective et contempler le Che fixant un objectif hors-champ propose peut-être un nouvel espace dans lequel son image pourrait se déployer.

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