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Objets prétextes, objets manipulés (2.6 - 30.12.1984) - Revue de presse

En exposant également les objets qui nous entourent, et pas seulement les «beaux objets de peuplades lointaines», le Musée d'ethnographie veut également forcer la réflexion sur nous-mêmes. Fini de chercher la paille dans l'oeil du voisin et d'ignorer la poutre dans le nôtre!
P.-A. Bovet, Le Matin, Lausanne, 6 mai 1984

Plus que jamais peut-être, le musée ethnographique interpelle chacun. Fini, l’ethnographie exotique. L’art africain, océanien, déifié, envitriné. Le musée descend dans la rue, dans nos magasins, dans nos maisons où il s’est approprié quantité d’objets usuels, objets prétextes, objets manipulés. Totalement logique dans sa démarche, irrévérencieux, il les manipule à son tour ne serait-ce qu’en les exposant. […] En osant relativiser, le musée, et nous avec, s’engage dans une réflexion non seulement sur l’objet mais encore sur le sujet que nous sommes tous. Suivre l’histoire de n’importe quel objet – d’art, de récupération, kitsch, technique – en dégager les significations, en décoder les messages, mettre à jour les symboles qui s’y rattachent, en cerner l’inutilité, voire l’absurdité, c’est non seulement voir les objets sous un autre angle, mais également accepter que notre vision, notre perception se modifie elle aussi constamment. En fonction d’une époque ? D’une mode ? D’une culture ? D’un diktat ?
Chantal Amez-Droz, Le Courrier, Genève, 2 juin 1984

Suivre l’histoire de n’importe quel objet – d’art, de récupération, kitsch, technique – en dégager les significations, en décoder les messages, mettre à jour les symboles qui s’y rattachent, en cerner l’inutilité, voire l’absurdité, c’est non seulement voir les objets sous un autre angle, mais également accepter que notre vision, notre perception se modifie elle aussi constamment. En fonction d’une époque ? D’une mode ? D’une culture ? D’un diktat ?
Chantal Amez-Droz, La Liberté, Fribourg, 2 juin 1984

La vitrine vide, c’est un peu le symbole d’une exposition qui remet tout en question. Depuis trois ans, le Musée d’ethnographie de Neuchâtel a présenté des expositions thématiques qui bousculaient sérieusement le culte du «bel objet» ramené du bout du monde. […] C’est une exposition agressive. «Qu’est-ce qu’un objet ?» vous demande-t-on à l’entrée. Ce pourrait bien être une «chose» qu’un conservateur de musée a décidé de placer dans une vitrine. Parce que, dit le conservateur, «toute cette histoire d’objets, c’est une histoire de pouvoir». Il y a toujours quelqu’un qui décide si c’est beau ou laid, un expert qui décrète que c’est vrai ou faux. Au gré des vitrines défilent les objets trafiqués ou retouchés ou ce kitsch qui est «le mauvais goût des autres». En s’en prenant à l’objet, le musée scie la branche sur laquelle il est assis. Le musée, dit Jacques Hainard, c’est justement «un lieu de sanctification des objets». On installe une vitrine, on met une étiquette et le visiteur n’a plus qu’à admirer. Au Musée d’ethnographie, c’est moins simple. Jacques Hainard s’arrête devant des sculptures africaines: «Admirables », lance une habituée des vernissages. Pas de chance: c’est dans la vitrine consacrée au kitsch.
Jean-Pierre Aubry, La Suisse, Genève, 3 juin 1984

En fait, si le musée semble interroger presque n'importe quel objet, c'est d'abord au regard du visiteur qu'il s'adresse. Sans celui-ci rien n'existerait.
Le Pays, Porrentruy, 4 juin 1984

Une exposition au Musée d'ethnographie de Neuchâtel montre qu'il ne suffit pas d'aimer l'Art Nègre, par exemple, il faut savoir pourquoi.
Roger d'Ivernois, Journal de Genève, Genève, 14 juin 1984

Le revers de la chose, c'est que le message ne passe pas. Tout d'abord, l'exposition part tous azimuts. Chaque thème aurait pu faire... l'objet d'une manifestation complète. Ensuite, tout ne tient que par le texte, beaucoup trop ardu pour une honnête visite dominicale. Avec les treize thèses qui composent le catalogue, on atteint presque le tragique. Quand André Giordan, professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, laboratoire de didactique et d'épistémologie des sciences de l'Université de Genève, commence par aligner un paradigme «au sens kuhnien», il a déjà laissé le lecteur moyen bien derrière lui.
A ce niveau, on se pose une question, qui pourrait donner matière à une autre exposition. Faut-il vraiment combattre le provincialisme par l'intellectualisme ?
Etienne Dumont, Tribune de Genève, Genève, 4 juillet 1984

lm Musée d'Ethnographie in Neuchâtel ist gegenwärtig die Ausstellung «Objets prétextes, objets manipulés» zu sehen. Vom «Ding, an sich» zum «Ding im Griff». Es geht um die Art, wie die Gegenstände ihre Bedeutung je nach dem Kontext ändern. Eine ethnologische Ausstellung, der es gelingt, ihren wissenschaftlichen Ansatz auf die eigene Kultur zurückzuübersetzen.
Paul Ignaz Vogel, Basler Zeitung, Bâle, 7 juillet 1984

La culture est avant tout affaire de regard. Il n'y a qu'un seul musée qui vaille: notre propre musée imaginaire, «beau comme la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre sur une table de dissection».
Raphaël Aubert, La Vie protestante, Genève, 20 juillet 1984

C'est bien de véritable enchantement qu'il faut parler à propos de cette exposition. Comme un «Sésame, ouvre-toi!», une phrase d'André Gide dès l'entrée suggère au visiteur que c'est le regard qui crée l'objet. Pas question d'objectivité: chacun est invité à inventer sa propre exposition, mais aussi à jeter un oeil critique sur la vitrine qui montre et qui cache, en sa transparente imposture, les mille et un objets du désir. Cet appel à la subjectivité, le conservateur du musée, Jacques Hainard le revendique pour lui aussi: l'exposition est une thérapie, elle est une manière de régler ses comptes avec les objets.
[...] Pas question d’objectivité: chacun est invité à inventer sa propre exposition, mais aussi à jeter un oeil critique sur la vitrine qui montre et qui cache, en sa transparente imposture, les mille et un objets du désir. Cet appel à la subjectivité, le conservateur du musée, Jacques Hainard, le revendique pour lui aussi: l’exposition est une thérapie, elle est une manière de régler ses comptes avec les objets. A cet égard, la première salle qui accueille le visiteur – j’allais dire le malade – est exemplaire. Hésitant entre un poulet rôti en plastique et une statuette africaine, se demandant s’il est un objet ou une chose, ayant à se situer entre l’excessive grandeur d’un Gulliver lié au sol par les Lilliputiens et l’excessive petitesse d’une maquette occupée par les peuples du monde, associé au système de correspondances qui définissent le cosmos Zuni et au sonnet des voyelles de Rimbaud, placé dans le cadre mouvant d’un tableau de Léopold Robert, il ne sait plus très bien qui il est ni qui est quoi. […] Pour nous guider dans ce trajet, trois fils d’Ariane courent tout au long de l’exposition. C’est tout d’abord la femme peinte par Léopold Robert qui nous jette de temps en temps une oeillade de lieux imprévus: service à café ou boîte de conserve. Ensuite, des pipes viennent par-ci par-là nous inviter à la méditation déductive d’un Sherlock Holmes. Enfin et surtout, c’est l’omniprésence de la vitrine, dans sa plénitude et son grouillement d’objets, mais aussi dans son autosuffisante vacuité. Une vitrine en effet s’expose elle-même, vide d’objets mais pleine d’elle-même. La magie de l’exposition tient donc non seulement à l’accumulation des objets, mais encore à la répétition d’une formule. Le mélange systématique et spectaculaire de l’exotique et du quotidien, comme d’un masque senoufo et d’une boîte de sardines, aboutit finalement à une perte de conscience et à l’oubli de l’objet que l’on a vu. Mais si les genres sont mêlés, le rite essentiel de toute exposition subsiste: il y a l’objet en vitrine, et le texte qui l’explique. A cet égard, les commentaires placardés sont d’un caractère doublement magique. D’une part, ils agissent comme une incantation destinée à assurer que malgré l’apparent parti pris de choquer et de plaire au grand public par une mise en scène spectaculaire des objets, l’intellectualisme élitaire du sociologue et de l’ethnologue ne sont pas mis à la corbeille pour autant. D’autre part, leur langage ésotérique appelle souvent à la rescousse des esprits auxiliaires tels que Jean Baudrillard, Pierre Bourdieu, Marcel Duchamp ou Claude Lévi-Strauss.
Alain Monnier, Journal de Genève, Genève, 4 août 1984

Or ces catégories – vrai ou faux – ne s'appliquent pas tel quel à l'objet ethnographique. Le vrai masque africain n'est pas toujours celui qu'on croit. Henri Kainer l'explique dans une vitrine. Tout masque ou statuette africaine, par exemple, est investi d'un pouvoir. Il participe d'un culte. Sa conception s'inscrit alors dans un long et complexe rituel. Rien n'empêche pourtant le sculpteur de masque de fabriquer une copie identique, à des fins laïques et commerciales. Ethnographiquement, seul le masque utilisé pour le culte apparaît comme authentique. Mais les artistes comme Picasso qui découvrent les objets africains en pleine période cubiste ne s'embarrasseront pas de ces distinctions. C'est eux les premiers qui parlent d'art. L'habitude est demeurée, le regard porté par l'Occidental sur de tels objets est d'abord esthétique. L'ethnologue a beau dire. Il se retrouve, assis entre deux chaises. Son discours savant tient souvent lieu pour le profane d'élément surajouté, de justification dernière. La manifestation neuchâteloise n'échappe pas à la règle. C'est la seule ombre au tableau. Car si intrigant soit-il, le parcours de l'exposition est balisé d'une série de panneaux aux textes bien «intello». Baudrillard, Bourdieu, Moles et quelques autres s'y croisent. Que le catalogue-livre de l'exposition propose des approches très élaborées de la problématique est un fait heureux. Mais on aurait pu attendre d'un sujet et d'une manifestation si populaire des explications plus «grand public».
Cela dit, «Objets prétextes, objets manipulés» se visite comme un jeu de piste. On ressort de ce labyrinthe aussi étonné qu'interrogatif, moins disposé au lèche-vitrines et au shopping frénétique. Une exposition antidote donc.
Claude Chuard, La Liberté, Fribourg, 18 août 1984

L'objet ainsi éclairé est porteur de précieuses significations. A la manière des mots, des gestes et des images, il nous renseigne sur les normes et coutumes d'une époque et d'une société, précise le caractère d'un individu. Ainsi que l'a relevé Baudrillard, on peut affirmer «que de n'importe quel objet, dans son immobilité et son aphasie, on peut dire ce que Canetti dit des animaux: "Si on regarde attentivement un animal, on a le sentiment qu'un homme est caché dedans et qu'il se paie votre tête."»
Eddie Hänggi, Le Démocrate, Delémont, 18 octobre 1984

Il est vrai que l'exposition neuchâteloise donne en définitive beaucoup moins à voir qu'à penser. Elle se veut bain de révélateur ou condition de catalyse beaucoup plus que mise en scène spectaculaire. Les objets qui y sont rassemblés – banals souvent, voire laids – le sont d'abord pour leur portée symbolique et leur valeur signifiante. Ils sont répartis dans différents secteurs-chapitres qui sont autant de portes ouvertes vers des thèmes de réflexion. Toute exposition thématique joue d'un effet de cadrage. Celle de Neuchâtel, elle, opère un décadrage de l'objet en le sortant de son contexte habituel, sans pour autant le mettre en vedette par l'opération sanctificatrice de la «vitrinification».
Françoise Jaunin, Coopération, Bâle, 29 novembre 1984

Rendere attenti sulla relatività della nozione di oggetto, sul fatto che esso resta un pretesto per capire e comprendere una civiltà, ecco la massima aspirazione a cui può mirare un museo. Si tratta di rendere cosciente il visitatore che: «l'importanza è nel tuo sguardo e non nella cosa osservata» (Gide).
Mauro Valli, Il Dovere, Bellinzone, 5 décembre 1984

Les musées présentent généralement des objets de valeur. Exceptionnellement et jusqu'à la fin de l'année, le Musée d'ethnographie aligne aussi bien des trésors que des boîtes de conserve, des tas de ferraille et de détritus...
Le conservateur, M. Jacques Hainard, a osé rompre avec une tradition qui voulait que seules les pièces anciennes aient droit d'entrée chez lui: il montre une collection unique de tous les objets utilisés par l'homme tout au long de sa vie et tout au long de ses jours. Le titre Objets prétextes - Objets manipulés est fort bien choisi. Mais, finalement, le visiteur peut se poser une question: L'objet est-il fait par l'homme ou est-ce l'objet qui fait l'homme ?
Ruth Widmer-Sydler, L'Impartial, La Chaux-de-Fonds, 6 décembre 1984

Sous le titre «Objets prétextes, objets manipulés», il est aussi bien question d'un mixer que d'une calebasse zaïroise, d'un couteau suisse, d'un nain de jardin avec arrosoir, d'un coquillage servant de rituel en Nouvelle-Calédonie, d'un masque guatémaltèque ou d'une boîte de Coca. Au fond, qu'est-ce qu'un objet?
Ca. U., Le Monde, Paris, 13 décembre 1984

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