Arctique

Parmi d’autres, les collections arctiques du Musée doivent leur expansion et leur spécificité à l’esprit d’entreprise de Charles Knapp, son conservateur au début du siècle. L'inventaire global en a été établi en 1988 par Yvon Csonka.

Les peuples esquimaux-aléoutes sont représentés au Musée par 331 objets (dont cinq indéterminés) issus de presque toutes les régions qu'ils habitent.

Sont représentés plus spécialement le nord-ouest de la baie d'Hudson au Canada, l'Arctique occidental, qui comprend l'Alaska et les îles Aléoutiennes, s'étendant par convention de l'extrême est de la Sibérie au delta du fleuve McKenzie en territoire canadien, et l'Arctique oriental, soit le Labrador et le Groenland.

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Arctique oriental

Les collections de l'Arctique oriental proviennent du Labrador et du Groenland, deux régions sans affinités particulières mais tôt colonisées par les Européens. Le registre du Musée, seule référence pour plusieurs des ensembles, distingue mal les deux régions.

Les côtes du Labrador et de l'ouest du Groenland ont été visitées dès le XVIe siècle par des pêcheurs et chasseurs de baleine européens. A partir de 1771, les frères Moraves, déjà présents au Groenland dès 1733, ont établi des missions au Labrador et le mode de vie des autochtones s'est progressivement modifié.

Au début du «petit âge glaciaire» (fin du XVIIe siècle), des Esquimaux occupaient toutes les côtes du Groenland. Ils possédaient des objets et du métal provenant des Vikings, qu'ils s'étaient probablement procurés après leur disparition dans les ruines de leurs établissements, quoique des contacts directs aient également pu avoir lieu. En 1721, une petite colonie dano-norvégienne s'établit au Groenland dans le but de retrouver les Vikings et de leur prêcher la Réforme. Ces derniers avaient disparu mystérieusement (on ne sait rien des Vikings groenlandais après qu'ils ont perdu le contact avec l'Europe) mais la colonisation danoise commençait. Au XIXe siècle, les effets du refroidissement sont devenus dramatiques et la population a abandonné le nord et l'est de l'île, à l'exception de la région d'Ammassalik.

Les Esquimaux polaires de la région de Thulé dans le nord-ouest, population la plus septentrionale du globe, ne furent découverts qu'en 1818 et ceux d'Ammassalik en 1884 seulement. On peut donc parler, pour le Groenland de la période historique, de trois populations dont la culture était relativement homogène, hormis quelques différences imputables à l'isolement géographique, aux particularités de l'environnement et à la présence européenne plus ou moins prolongée.

Quelques miniatures des collections neuchâteloises seraient originaires de la côte ouest du Groenland. Elles sont enregistrées comme don de Louis de Coulon, directeur des musées de la ville de 1829 à sa mort en 1894, sans indication ni de date, ni de source. Les trois miniatures offertes par le Rév. Pierre-H. La Trobe en 1854-55 proviennent du Labrador.

En 1912, une équipe de scientifiques suisses, dirigée par Alfred de Quervain, s'illustra en traversant la calotte glaciaire groenlandaise d'ouest en est. L'expédition était un exploit, mais elle rapporta aussi une quantité de données climatiques, physiques et glaciologiques tout à fait nouvelles sur l'intérieur du Groenland. La traversée se termina à Ammassalik, où les Suisses séjournèrent un mois. Le Musée acheta en 1913 un kayak complet avec son armement et quelques autres pièces à de Quervain (le conservateur, Charles Knapp, lui avait demandé de ramener des objets avant son départ déjà). D'autres objets de cette collection se trouvent au Musée d'ethnographie de Bâle.

L'explorateur et ethnographe norvégien Christian Leden, de passage à Neuchâtel en 1923, a vendu au Musée sept objets provenant du Cap Dan (ancien nom de Kussuluk), dans le district d'Ammassalik, achetés grâce à un don de Paul-Eugène Humbert. Leden les tenait de A. T. Hedegaard, un administrateur danois en poste dans cette région de 1915 à 1929.

Arctique occidental

Les Russes ont colonisé la chaîne des Aléoutiennes puis la côte Pacifique de l'Alaska au cours du XVIIIe siècle. Ils ont exercé peu d'influence directe à l'intérieur du pays et encore moins sur les côtes septentrionales de cette vaste péninsule, où les Américains sont venus chasser les baleines dès le milieu du XIXe siècle, s'aventurant chaque année plus au nord, puis à l'ouest après avoir les avoir décimées, et atteignant ainsi la mer de Beaufort et le delta du McKenzie vers 1890.

Les îles Aléoutiennes, dépourvues d'arbres, sont entourées d'eaux très riches en poissons et mammifères marins. Leur climat n'est pas arctique mais constamment frais, humide et venteux. Leurs habitants ont été décimés par les Russes au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle; les survivants, soumis à un quasi-esclavage, ont dû suivre leurs maîtres dans le sud de l'Alaska, où ils se sont mélangés aux Esquimaux du Pacifique. Ils excellaient à la chasse en pleine mer. Leurs armes étaient souvent peintes en rouge, symbolisant la mort, et noir, la puissance de l'homme.

Les Esquimaux du Pacifique, Koniag de l'île Kodiak et Chugach du Prince William Sound, parlaient un dialecte yupik appelé Sugpiaq. Ils ont été assimilés aux Aléoutes dans la littérature du XIXe siècle et eux-mêmes préfèrent se considérer comme tels plutôt que comme Esquimaux. Ils ont subi l'influence des Esquimaux du nord, des Indiens Tlingit, des Aléoutes et des Blancs; peu d'entre eux parlent encore leur langue.

Les Esquimaux sibériens habitent les côtes asiatiques du détroit de Béring, les petites îles Diomède qui se trouvent au milieu du détroit (la frontière américano-soviétique passe entre ces deux îlots distants de quelques kilomètres) et l'île St-Laurent, politiquement rattachée aux ÉtatsUnis. Ils parlent un autre dialecte yupik et se désignent comme Yuit.

Un troisième dialecte yupik est parlé par les Esquimaux du littoral alaskan de la mer de Béring. Le nord de l'Alaska est habité par les Inupiat formant la branche occidentale du grand groupe esquimau qui occupe également le nord du Canada et le Groenland. Les Inupiat sont réputés comme chasseurs de baleines; ils les poursuivaient dans des flotilles d'umiaq.

Les Esquimaux du delta du McKenzie, en territoire canadien, sont apparentés à leurs voisins du nord de l'Alaska, dont ils sont séparés par un relatif no mans land. Ils ont assimilé dès le début du XIXe siècle certaines technologies européennes connues des Indiens habitant les forêts qui s'étendent presque jusqu'au rivage arctique (quelques objets, pipe et tabac par exemple, leur étaient parvenus bien avant par l'intermédiaire d'Esquimaux alaskans en contact avec les Russes). Ils chassaient le bélouga et le phoque, et occupaient en hiver les terres riches en caribous délaissées saisonnièrement par les Indiens.

 

Nord-ouest de la baie d'Hudson

Les deux collections qui proviennent de cette région, la collection Arsène Turquetil et la collection Jean Gabus, représentent près des deux tiers des objets esquimaux conservés à Neuchâtel et sont documentées. Elles concernent les groupes d'Esquimaux Caribous Paallirmiut, Aivilingmiut, Netsilik, Aivilik et celui, disparu en 1903, des Sallirmiut.

En été 1919, le RP Arsène Turquetil, prêtre normand de l'ordre des Oblats de Marie Immaculée (OMI), reçoit à Chesterfield Inlet une lettre (copie de lettres 172, 17 mai 1918) du conservateur du Musée ethnographique, Charles Knapp, qui lui demande de récolter une série d'objets. L'année suivante, il fait parvenir, en don car il dit se les être procurés à peu de frais (la Hudson's Bay Company a acheminé les deux caisses d'objets jusqu'à Londres à titre gracieux), une collection de 132 items, assortie d'une liste rédigée selon les suggestions du conservateur, donnant le nom vernaculaire, l'ethnie et quelques commentaires. Dans une lettre datée du 18 août 1920 (dossier de la collection), il regrette de n'avoir pu se procurer d'habits féminins, ni de pièces coûteuses et difficiles à transporter (traîneaux, kayaks) mais annonce qu'il désire compléter la collection par 700 à 1500 pièces.

Le décès du conservateur le 20 août 1921 et le transfert ultérieur à Montréal du Père Turquetil, qui deviendra évêque, mettent fin à ce projet.

Il n'existe pas d'autre collection importante du Père Turquetil: les quelques objets qu'il gardait chez lui à Montréal sont maintenant conservés à l'Eskimo Museum de Churchill (Manitoba). Elle peut se comparer à celle de Christian Leden, dont environ 900 pièces se trouvent au Musée National de l'Homme à Ottawa.

Jean Gabus a séjourné dans la région d'Eskimo Point (maintenant appelé Arviat par ses habitants), à près de 400 kilomètres au sud de Chesterfield Inlet, de juillet 1938 à août 1939 et en a rapporté une collection complémentaire. Le Musée possède également des enregistrements, des films et des photographies réalisés à l'occasion de cette longue mission.

Les objets de la collection Jean Gabus, pour la plupart achetés par le Musée en 1939, ont été collectés à Eskimo Point et le long de la rivière Maguse jusqu'à Padlei entre juillet 1938 et août 1939. Ils proviennent presque tous des Paallirmiut qui nomadisaient entre ces deux lieux distants de 200 km environ.

Une série nouvelle comprend des pièces qui se trouvaient au Musée mais n'avaient pas été inventoriées; deux pièces supplémentaires ont été offertes par le collecteur.

La plupart des objets qui se trouvent à Neuchâtel lui ont été donnés. Ils n'étaient pas passés de main à main mais souvent déposés «anonymement» devant son campement, comme par exemple un couteau à neige.

Au retour de sa mission, l'ethnographe a partagé sa collection de 150 objets entre les Musées d'ethnographie de Neuchâtel (60) et de Bâle (82), et la Collection ethnographique de l'Université de Fribourg (8). Outre des spécimens semblables à ceux décrits ici, le Musée de Bâle conserve d'autres instruments pour la chasse et la pêche, trois traîneaux et un kayak des Ahiarmiut. A Fribourg se trouvent uniquement des parures de perles de verre montées sur tissu et destinées à orner des vestes ou des sacs. 

Cette collection peut être comparée à celle, contemporaine, du prêtre anglican Donald B. Marsh, comptant environ 500 pièces, qui est conservée au Manitoba Museum of Man and Nature à Winnipeg. Il s'ajoute au fonds quelques autres objets qui proviennent aussi de l'Arctique central canadien.