Le 6 juin 1795, le général Charles Daniel de Meuron faisait abandon à la Ville de Neuchâtel d'une collection dont plusieurs éléments proviennent d'Alaska. Elles n'ont été attribuées à ce lot que très récemment. Elles figurent parmi les plus anciennes collectées dans cette région et présentent de grandes similitudes avec certaines pièces rapportées par Johann Wäber, le peintre officiel du troisième voyage de Cook (1776-1779), qui se trouvent au Musée Historique de Berne. De Meuron n'est jamais allé en Alaska et comme il est douteux qu'il ait pu rencontrer au cap de Bonne-Espérance des navires rentrant du Pacifique Nord, le mystère demeure sur la façon dont il a pu obtenir ces objets.
Les frères Alfred et Antoine Borel, Neuchâtelois établis à San Francisco où ils étaient banquiers, ont offert en 1882 au Musée une collection provenant d’Amérique, d'Asie et d'Océanie. Les objets, acquis selon toute vraisemblance chez des antiquaires, étaient accompagnés d'une liste affligée de nombreuses inexactitudes quant à la désignation et à la provenance; leur attribution n'est pas toujours indubitable. Le costume donné en 1921 par Maurice Borel, cartographe, doit probablement être rattaché à la collection de ses deux aînés.
En 1910, sollicité par le conservateur Charles Knapp qui désirait combler les lacunes des collections arctiques et sub-arctiques (copie de lettres 386, 11 juillet 1910), l'abbé Emile Petitot fit don au Musée de 25 objets de provenances diverses, dont quelques-uns des Esquimaux. Il s'excusait de ne pouvoir «envoyer qu'un bien petit nombre d'objets exotiques vieux, poudreux, rouillés, et indignes de figurer dans un Musée respectable» (dossier de la collection, lettre du 25 août 1910).
Parmi les objets qu'à son départ de Neuchâtel en 1915 Arnold Van Gennep a donnés par l'intermédiaire de Maurice Borel se trouve un ivoire gravé de l'Alaska.
Arctique occidental
Les Russes ont colonisé la chaîne des Aléoutiennes puis la côte Pacifique de l'Alaska au cours du XVIIIe siècle. Ils ont exercé peu d'influence directe à l'intérieur du pays et encore moins sur les côtes septentrionales de cette vaste péninsule, où les Américains sont venus chasser les baleines dès le milieu du XIXe siècle, s'aventurant chaque année plus au nord, puis à l'ouest après avoir les avoir décimées, et atteignant ainsi la mer de Beaufort et le delta du McKenzie vers 1890.
Les îles Aléoutiennes, dépourvues d'arbres, sont entourées d'eaux très riches en poissons et mammifères marins. Leur climat n'est pas arctique mais constamment frais, humide et venteux. Leurs habitants ont été décimés par les Russes au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle; les survivants, soumis à un quasi-esclavage, ont dû suivre leurs maîtres dans le sud de l'Alaska, où ils se sont mélangés aux Esquimaux du Pacifique. Ils excellaient à la chasse en pleine mer. Leurs armes étaient souvent peintes en rouge, symbolisant la mort, et noir, la puissance de l'homme.
Les Esquimaux du Pacifique, Koniag de l'île Kodiak et Chugach du Prince William Sound, parlaient un dialecte yupik appelé Sugpiaq. Ils ont été assimilés aux Aléoutes dans la littérature du XIXe siècle et eux-mêmes préfèrent se considérer comme tels plutôt que comme Esquimaux. Ils ont subi l'influence des Esquimaux du nord, des Indiens Tlingit, des Aléoutes et des Blancs; peu d'entre eux parlent encore leur langue.
Les Esquimaux sibériens habitent les côtes asiatiques du détroit de Béring, les petites îles Diomède qui se trouvent au milieu du détroit (la frontière américano-soviétique passe entre ces deux îlots distants de quelques kilomètres) et l'île St-Laurent, politiquement rattachée aux ÉtatsUnis. Ils parlent un autre dialecte yupik et se désignent comme Yuit.
Un troisième dialecte yupik est parlé par les Esquimaux du littoral alaskan de la mer de Béring. Le nord de l'Alaska est habité par les Inupiat formant la branche occidentale du grand groupe esquimau qui occupe également le nord du Canada et le Groenland. Les Inupiat sont réputés comme chasseurs de baleines; ils les poursuivaient dans des flotilles d'umiaq.
Les Esquimaux du delta du McKenzie, en territoire canadien, sont apparentés à leurs voisins du nord de l'Alaska, dont ils sont séparés par un relatif no mans land. Ils ont assimilé dès le début du XIXe siècle certaines technologies européennes connues des Indiens habitant les forêts qui s'étendent presque jusqu'au rivage arctique (quelques objets, pipe et tabac par exemple, leur étaient parvenus bien avant par l'intermédiaire d'Esquimaux alaskans en contact avec les Russes). Ils chassaient le bélouga et le phoque, et occupaient en hiver les terres riches en caribous délaissées saisonnièrement par les Indiens.