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Along the lines

Un mur de béton culminant à huit mètres de haut: a priori, le concept d’une barrière de sécurité paraît facile à comprendre. Mais cette construction zigzaguant à travers les rues, les maisons et les trottoirs de Cisjordanie ne permet de saisir qu’une infime partie d’une histoire bien plus longue et bien plus complexe, celle du conflit israélo-palestinien.

Ces 749 kilomètres de béton et de fils barbelés racontent une histoire de méfiance et d’animosité entre deux peuples prisonniers d'une querelle territoriale. Depuis l’occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël en 1967, la vie des deux nations est en effet inextricablement et paradoxalement liée, chacune se battant pour défendre son identité territoriale, et les Palestiniens notamment pour se libérer d’une occupation militaire palpable dans tous les aspects de leur quotidien.

En tant que photographe de presse israélien, j’ai vu cette barrière naître et s’étendre, preuve matérielle d’une haine qui, jusque là, pouvait uniquement se ressentir. Pendant trois ans, alors que je prenais des photos et acquérais mon métier, ce mur a grandi avec moi, progressivement élevé de un à trois mètres, puis finalement à huit mètres. Les images formant l’exposition Along the lines témoignent de cette époque, du processus de séparation et de rejet en train de s’opérer entre les deux peuples. Durant cette période, j’ai visité presque toutes les sections du mur achevées, capturant avec mon objectif les peines qu’il infligeait aux Palestiniens et la manière dont il est progressivement devenu un symbole de leur lutte pour l'indépendance. A travers le même prisme, j’ai également vu les souffrances d’Israël – notamment face aux attentats suicides palestiniens – qui avaient poussé le gouvernement à ériger cette barrière.

En prenant des photos, je me suis progressivement lassé de montrer cet édifice comme une barrière infranchissable, obstruant mon objectif autant que le ciel, et je me suis mis à le voir comme une cicatrice balafrant le paysage, séparant les deux côtés. J’ai choisi de présenter ces images en noir et blanc bien que d’habitude je travaille en couleurs: le mur en soi m’a paru être noir et blanc, comme un antagonisme matérialisé, déchirant le paysage, les Palestiniens d’un côté, les Israéliens de l’autre. Mais les nuances de gris demeurent. Chaque vendredi au village de Bil'in, des Palestiniens et des Israéliens se retrouvent afin de protester contre l’érection du mur, se rattachant désespérément à l’espoir d’une coexistence possible.

Tandis que mon projet photographique est aujourd’hui terminé, la construction du mur se poursuit. Son impact à long terme dans le conflit reste néanmoins toujours à déterminer: ce qu’il a fait et ce qu’il fera encore au rêve de deux états séparés, vivant côte à côte en harmonie, demeure une question ouverte. De même que le fait de savoir si, au cas où un accord de paix venait à être signé, Israël abattra vraiment le mur, comme ses autorités ont pu le laisser entendre. Peut-être qu’un jour les vestiges de cette barrière deviendront un mémorial, témoignant de la difficulté à vivre reclus et symbolisant les erreurs du passé.  

Bien à vous.

Oded Balilty

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