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Audemars Piguet: Royal Oak

Qu'est-ce qui se cache derrière la Royal Oak?

Toutes les représentations de la marque semblent s'élaborer autour d'une association matérielle et idéelle. Nous focalisons notre analyse sur les symboles exprimés au travers de cette montre, à savoir le hublot ou le sabord, le boulon et le chêne. Pour poser un regard anthropologique sur ce bijou, il nous semble pertinent de déconstruire les imbrications entre les différents éléments signifiants lui étant associés.

Le hublot, comme la montre, est une fenêtre sur le temps, un instrument qui conditionne la perception et par là même l'observation du monde. Le hublot permet de rester à l'abri du «temps» tout en l'observant. Ceci est à mettre en analogie avec la montre qui nous donne l'illusion de rester à l'abri du temps qui s'écoule et qui inéluctablement nous rapproche de la mort. Ce hublot est d'abord le sabord d'un vaisseau ayant pour but d'aider à construire, préserver et défendre l'empire britannique, nous faisant entrevoir ce potentiel de puissance en affiliation avec la Grande-Bretagne colonisatrice dont la flotte imposante fut l'instrument de sa maîtrise de l'espace : lieu de l'école royale de navigation anglaise, Greenwich est également le centre et le midi du monde.

Le boulon représente le cadre à forme octogonale du sabord. Sa sémantique qui nous renvoie à l'industrialisme dont l'Angleterre est le berceau, est effectuée d'une double manière: la référence légendaire à Charles II, roi d'Ecosse, ainsi que le choix de l'anglais pour le prospectus. L'industrialisme, conditionné par les impératifs de la production, implique qu'il faille construire un temps maîtrisé, structuré, pour étendre l'économie et sa rationalité. Le boulon est à l'industrialisation ce que le vaisseau «Royal Oak» est à l'empire, il aide d'une certaine manière ou d'une manière certaine à construire, à préserver et à défendre l'industrialisme.

Le chêne qui a su préserver la tradition séculaire aristocratique, en dissimulant en son sein Charles II aux troupes de Cromwell, apparaît comme le support du mythe Audemars Piguet, marque identifiée à une noblesse fantasmatique à des fins légitimatrices et de surcroît commerciales. Ce mythe est constitutif d'une ancestralité liée à la marque, ainsi que d'une esthétisation de la vie à laquelle tout un chacun ne peut prétendre.

La montre condense en un tout cette épaisseur sémantique; elle est la matière: l'acier, substrat de l'ère industrielle; la forme : le sabord-hublot qui conjure la mort en la donnant, et finalement elle est le sens: l'appartenance à la noblesse, élaborée autour de la légende du chêne.

En dernière analyse, à la lumière des réflexions maussiennes sur le cycle du don impliquant une logique de réciprocité, le chêne devient l'objet d'une volonté désintéressée au travers d'une fondation à but non lucratif qui aide à construire, préserver et défendre les forêts de chênes; ce qui semble à nos yeux caractériser le syndrome de la dette qu'Audemars Piguet a contractée au travers de Charles II envers le chêne, l'obligeant à rendre à ce dernier, qui jadis, a donné sa protection au défunt monarque.

Nous synthétisons notre pensée par cette phrase lacunaire: sans boulons pas de boulot, sans chêne pas de chaînes.

[Gaël Curty, Julien Glauser, Jérôme Heim, Alexis Rish]

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