Inscription à notre newsletter

Inscription à la Newsletter

Inscription à la Newsletter

Cartier: Tank

Outre le label et le design, le nom est l'une des composantes essentielles de l'identité de la montre. La Tank, instrument de luxe, emprunte son nom au tank, instrument de lutte. Si la création de ce dernier a permis l'évolution et l'aboutissement de la première Guerre mondiale, la naissance de la Tank a fortement contribué au développement de l'industrie Cartier. Inventés tous deux en 1917, le tank et laTank partagent entre autres un certains nombre de caractères formels : La géométrie du boîtier de la montre correspond à celle d'un char de l'époque, et son bracelet s'inspire des chenilles du tank. Si le tank et la Tank se confondent en un même symbole de puissance et d'invulnérabilité, leurs résistances réelles aux chocs ne sont pas comparables. Tandis que la Tank possède une garantie de longévité, le tank ne survit pas à la violence des combats de guerre. La promotion d'un facteur de résistance commun est donc inutile et l'analogie montre/char d'assaut ne fonctionne alors que sur le plan esthétique et symbolique.

La dénomination Tank fait ainsi référence à un univers militaire et à la suprématie du guerrier sur le simple citoyen. Cartier, en lançant cette montre sur le marché, cherche à atteindre des consommateurs avides de pouvoir et de supériorité sociale. Dans notre société, l'élite n'est plus constituée de généraux capables de commander une armée mais d'hommes qui s'affirment par la mise en évidence de moyens matériels de grande marque. Aujourd'hui, posséder une Tank Française revient donc à faire partie d'une élite.

L'analyse du boîtier de la Tank relève à son tour d'une structure antagoniste, puisqu'il affiche son esthétisme en suggérant l'existence d'une complexe technologie interne. La lunette transparente de la montre représente ainsi la frontière entre le monde invisible de la micro-technique et le monde visible de l'esthétisme. Le verre de la Tank est doté d'une fonction ambivalente du caché/non-caché que l'on retrouve dans le verre des bâtiments Cartier. Ces édifices qui se veulent transparents ne sont en fait que de gigantesques boîtes opaques qui dissimulent et protègent en leur sein des armes d'une technologie redoutable.

Egarés dans les verts pâturages suisses, les bâtiments Cartier nous offrent une image caricaturale de la Suisse dans laquelle s'inscrivent à la fois des facteurs ruraux, champêtres, symboles d'une mythologie passéiste et nationaliste opposés à des éléments technologiques, symbolisant cette fois-ci le futur et l'ouverture. Il est d'ailleurs sur ce plan utile de relever que le monde agricole ne fait que se refléter sur la surface cristalline de ces bâtiments futuristes, il n'a ainsi plus qu'une existence virtuelle en comparaison du monde technologique qui s'affirme au milieu des pâturages par une présence bien matérielle. La nature n'a donc plus qu'une valeur photographique face à l'expansion industrielle.

En regroupant les dichotomies fondamentales du produit Cartier, nous pouvons constater que les valeurs passéistes: Swiss Made, ruralité, engagement militaire, ont été supplantées par de nouvelles normes: design, esthétisme, urbanisation, et élitisme. De l'esprit passéiste ne subsistent dès lors qu'images, illusions, et évocations. La Tank Française est, le tank n'est plus.

[Béatrice Lapray, Valérie Sierro]

< retour