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Le totem

Le totem central rappelle le péché originel, source de culpabilité première. Il illustre différentes formes de connaissances et d'interdits. La présentation est articulée autour de cet interdit transgressé et de la culpabilité qui s'ensuit.

Le totem a pour base un réfrigérateur, car savoir congeler est essentiel dans une société de consommation et de conservation. Il est entouré par une chaîne cadenassée et porte un signal d’interdiction, tous deux signifiant l’interdit. Le frigo fait également référence à nombre de spots publicitaires pour la glace.

Sur le frigo est posée une télévision, source indéniable du savoir contemporain. Sur celle-ci s’amoncellent des encyclopédies, qui représentent un état des lieux d'un savoir classifié, ainsi qu’un tower, nouveau mode de gestion de la connaissance comprimée et numérisée. La télévision et le tower ne sont pas connectés: l'accès y est donc impossible. Enfin, un bonsaï, arbre domestiqué, orne le sommet du totem et renvoie littéralement à l’arbre de la connaissance du jardin d’Eden.

Le jardin des tentations

Comme Eve fut tentée par le serpent, les êtres humains contemporains sont continuellement sollicités par les messages publicitaires qui tentent d’éveiller leurs désirs par la promesse de plaisirs fantasmés.

Les publicités pour les glaces en particulier, avec leurs injonctions de «faites-vous plaisir» s’accompagnent de promesses de sensations extrêmes. L’intensité de celles-ci peut devenir génératrice de métamorphoses. Les publicités font référence de manière plus ou moins explicite à la sexualité dans ses différentes pratiques et tendances (sado-masochisme, lesbianisme, pratiques orales, etc.). Elles sont dépeintes de façon androcentrique et font des emprunts au registre pornographique. Elles renvoient ainsi à un domaine chargé de plaisirs plus intenses. Ceux-ci s’accompagnent également de fantasmes transgressifs, qui renforcent la sensation de plaisir et de liberté.

Ce propos est mis en scène par des arbres sur lesquels figurent des affiches publicitaires représentant des glaces. Un serpent, symbole des publicitaires tentateurs, guette dans chaque arbre. Un lingam posé dans cette forêt rappelle les connotations sexuelles de ces publicités.

Le jardin est jalonné d’écriteaux, rédigés en latin de cuisine, qui portent un regard ironique sur ces publicités. Une télévision transmet des extraits de spots publicitaires ainsi que du film Le festin de Babette de Gabriel Axel (1987).

Le temple des excès

Alors que la publicité tentatrice incite à la consommation, La Sainte Cène revisitée par Renato Casaro (1982), avec ses représentations de différents plaisirs (tabac, alcool, glace et chair), élève la consommation ostentatoire au statut de religion. Celle-ci acquiert un caractère sacré, remplaçant les anciennes icônes par de nouvelles idoles.

La sacralisation de la consommation mène à son adoration (symbolisée par le prie-dieu), à la reddition et à l'excès de consommation découlant de cette logique incontrôlée. Le sacré dévoile par là son ambiguïté. L'abus de plaisir représenté notamment dans l'art, nous montre la fin tragique qui attend les excessifs: la mort.

Tant l’aspect consumériste que sacré sont mis en scène par la reproduction d'un autel, représenté par une table posée sur un monticule de déchets de produits de consommation.

L'autel fait écho à La Sainte Cène de Casaro en détournant des objets de consommation quotidienne pour reproduire l'Eucharistie sous une nouvelle forme: des chandeliers portant des ampoules électriques en lieu et place des bougies, un bol de chips représentant le corps du Christ, une brique de vin, de même qu’une caisse enregistreuse dont le tiroir déborde d’argent. Derrière l'autel, au-dessus de la Sainte Cène, se trouve un vitrail, qui reproduit un jardin d'Eden.

L'aspect destructeur des excès est représenté par une croix symbolisant une tombe. Des extraits des films La grande bouffe de Marco Ferreri (1973) et Le sens de la vie des Monty Python (1982) ainsi que la reproduction du tableau Eat-Die (1962) de Robert Indiana soulignent cet aspect mortifère.

Une plage de modération

Les discours incitant à la modération, à la tempérance, à l’équilibre ont glissé du registre religieux à celui de la santé. L’excès n’est plus à combattre à coups d’indulgence, de confession, d’absolution, mais d'équilibre alimentaire, de prévention, de régimes, de médicaments ou encore de cures. Il n’est plus condamné ou payé dans un hypothétique au-delà mais il sera prochainement marqué dans le corps par la «maladie». La culpabilité relève dorénavant de la diététique, de l’esthétique ou de l’hygiène de vie. Elle se retrouve dans des discours marqués par le conditionnel: («il faudrait que …», «je devrais …»). Le jugement dernier n’a pas lieu aux portes du paradis mais sur la balance, chez le médecin lors du check-up ou sur le lit d'hôpital. L’accent est mis sur une vie saine plutôt que sainte.

Le monticule de déchets de la scène précédente décroît et s’estompe au  contact d’une plage, d'abord sale et ensuite propre. Un panneau routier symbolisant «attention danger» signifie l'entrée dans le discours hygiéniste.

Sur la plage propre, une serviette de bain accompagnée de quelques magazines aux mises en garde d’ordre diététique, solaire, ou autre, un cendrier et un paquet de cigarettes, un verre à cocktail, des alcopops, de la bière, de la crème solaire et des préservatifs représentent le double message : plaisir et prudence. Au-dessus de cette plage, une enseigne de pharmacie (dont le serpent du caducée n’est pas sans rappeler le serpent tentateur) symbolise le discours medico-moralisateur dans ce lieu stéréotype de plaisir.
Une carte de glaces signale les dangers mis en évidence par les discours qui incitent à la modération (surcharge pondérale, risques cardiaques, cirrhose, cancer, sida …). Au-delà de ce panneau, la mer s’étire sous la rampe, rejoignant le lac du jardin des tentations, et permet ainsi de boucler la boucle.
A la fin de l’exposition, une poubelle remplie de journaux présentant le discours modérateur nous rappelle que la répétition du cycle est probable.

A chacun de choisir …

[Vincent de Techtermann, Raphaëlle Fivaz, Colette Fry, Fiorenza Kuthan, Margarita Pedrosa et Alain Steudler]

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