Extrait actualisé de Who's who de l'ethnologie suisse (1995)

a) A quel(s) courant(s) ethnologique(s) vous rattachez-vous et quelles sont vos affinités intellectuelles ? 
En sociologie, j'ai été particulièrement interpellé par l'interactionnisme symbolique, école qui rend compte de l'aspect perpétuellement instable et négocié des rapports sociaux, et par les travaux de Pierre Bourdieu, qui mettent en évidence l'aspect construit des légitimités sociales, économiques et culturelles. 
En ethnologie, j'ai été surtout marqué par le structuralisme, ne serait-ce que pour l'importance que ce courant accorde aux mises en relation et aux modélisations, et par l'anthropologie cognitive, du fait d'un intérêt particulier pour l'analyse des classifications populaires et des représentations. D'un point de vue plus pragmatique, je crois à la pertinence des approches émiques, et donc à l'analyse des récits qu'une population tient sur elle-même, j'apprécie qu'un chercheur tienne compte de sa présence sur les lieux de son enquête et je prête à l'observation participante une qualité essentielle: elle situe l'anthropologie dans un cadre interprétatif qui la libère a priori de toute prétention à la scientificité. 


b) En dehors de l'observation participante, quels outils méthodologiques et théoriques utilisez-vous dans vos recherches? 
Je tente de respecter quelques principes élémentaires faciles à perdre de vue lorsque l'on est plongé jusqu'au cou dans une situation d'enquête ou dans une préparation d'exposition: tenter de formuler clairement ce que l'on cherche; définir un cadre qui convienne au sujet choisi (axiomes, questions, hypothèses, concepts, procédures particuliers); faire le tour du domaine retenu sans pour autant se perdre dans la lecture; penser transversalement, paradoxalement, associativement; chercher un fil rouge, garder à l'esprit la totalité; modifier ou reformuler questions et hypothèses tant que les données restent inarticulables; considérer la phase de mise en forme finale comme un nouveau «terrain»; tenter de restituer une part de l'opacité propre à l'objet d'étude au moment de sa reconstruction. 


c) Quelle serait la principale critique que vous formuleriez à la discipline aujourd'hui ? 
Au-delà des débats à la mode concemant la rhétorique ethnographique, qui me semblent désigner un bon état de santé de la discipline plutôt qu'une crise de sa pratique et de sa présentation, je pense que le plus grand défaut des ethnologues provient du type de rapport qu'ils entretiennent avec la réalité contemporaine: embarras face aux sociétés complexes, difficulté à rendre compte du changement, malaise face aux situations de conflit et trop faible vitesse de réaction par rapport à l'actualité. 


d) Quels seraient les trois ou quatre livres que vous donneriez en référence aux questions a), b) et c) ? 
Bourdieu Pierre. 1982. Leçon sur la leçon. Paris: Minuit. 
Clifford James. 1996 [1988]. Malaise dans la culture: l'ethnographie, la littérature et l'art au XXe siècle. Paris: Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts. 
Dumont Jean-Paul. 1992. Visayan vignettes: ethnographic traces of a Philippine island.Chicago: University of Chicago press. 
Hergé. 1946. L'oreille cassée. Tournai; Paris: Casterman 
Hillermann Tony. 1989. Le voleur de temps. Paris: Rivages. 
Latour Bruno. 1991. Nous n'avons jamais été modernes: essai d'anthropologie symétrique. Paris: La Découverte. 

 

Ethnologica Helvetica (Berne) N°19. 

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